- Récit de notre transat aller -

2233 milles en 18 jours et 23 heures

Du lundi 26 décembre 2022 au vendredi 13 janvier 2023

Après un mois passé au Cap-Vert, c’est l’heure de larguer les amarres pour les Antilles pour cette transat, moment phare de notre voyage. Depuis le temps qu’on en parle, nous y voilà ! Nous sommes le lendemain de Noël et nous allons quitter Mindelo direction Grenade dans le Sud des Antilles.

Retrouvez également en bas de page la cartographie de notre route précise générée à partir de relevés GPS journaliers.

JOUR 1 - lundi 26 décembre 2022

Le réveil sonne à 7h comme prévu le lendemain de Noël et durant le petit déj, on s’interroge sur le fait de partir réellement aujourd’hui. Isa s’est choppée la crève et n’est pas au meilleur de sa forme. Nous partons à la police et aux douanes faire les formalités de sortie du Cap-Vert et sur le chemin du retour, c’est décidé, nous partons ! Tout s’enchaîne alors très vite, on achète le pain, on va régler la marina, on dit au revoir aux copains de ponton et il est temps de larguer les amarres. Il est 11h10, heure locale, lorsque nous quittons Mindelo et le Cap-Vert direction les Antilles. On hisse la grand-voile avec deux ris à l’abri avant de s’engager dans le chenal de Santo Antao. On est direct dans le bain : houle et vent jusqu’à 28 noeuds. On se retrouve ensuite déventés sous l’île de Santo Antao et on envoie tout le génois. Nous sommes bord à bord avec Mahivir, un autre bateau parti juste après nous du même ponton. On doit même faire un peu de moteur pour retrouver du vent. C’est notre premier coucher de soleil de cette traversée, et un instant magique se produit quand deux petits dauphins viennent nous saluer en faisant des sauts devant l’étrave. On est alors au près puis le vent tourne et se met à monter, on prend alors le 3ème ris pour naviguer au travers avec le génois enroulé au 3/4. La nuit tombée, une houle forte de travers fait décrocher plusieurs fois le pilote. Nous nous relayons donc à la barre. Nous avons même un peu de pluie par moment. La nuit passe ainsi au rythme des quarts mais difficile de trouver le sommeil avec cette houle. Le moral n’est pas au beau fixe… Elle commence bien cette transat !

JOUR 2 -mardi 27 décembre 2022

Le jour se lève enfin mais le vent monte encore jusqu’à force 6 et nous décidons d’enrouler le génois pour ne garder que la grand-voile sous 3 ris. Dans la journée, le vent diminue force 4 et la houle se calme un peu. Nous faisons cap au 268° qui correspond au cap direct pour Grenade, l’île que nous visons, au Sud des Antilles. En fin de journée, nous faisons un peu de moteur pour recharger les batteries. Cette journée au ciel couvert n’a pas permis aux panneaux solaires de charger suffisamment. A la tombée de la nuit, nous contournons un énorme nuage bien noir qui semble immobile et qui ne nous inspire pas confiance. La nuit se passe ensuite toujours bercé par la houle un peu moins importante que la nuit précédente et un vent variable en intensité.

JOUR 3 - mercredi 28 décembre 2022

Au lever du jour, nous avons parcouru plus de 200 milles depuis le départ. Le vent a un peu baissé mais doit remonter dans la journée, donc nous gardons les trois ris dans la grand-voile et jouons avec la surface du génois. Nous faisons cap direct au 268°, d’abord au travers puis au largue. On se relaie une grande partie de l’après-midi à la barre pour économiser de l’énergie en arrêtant le pilote automatique. Barrer dans cette houle bien formée avec un vent montant à plus de 20 noeuds est une expérience en soi. Les poissons volants qui virevoltent dans la houle sont eux dans leur élément et nous accompagnent en permanence ! Cela nous permet tout de même de recharger un peu les batteries mais pas suffisamment avec ce ciel couvert. Nous faisons donc un peu de moteur en fin d’après-midi afin de charger les batteries pour la nuit. La nuit débute avec une houle grossissante et un vent qui montera jusque 30 noeuds. Dès le premier quart, nous rencontrons des soucis avec notre pilote automatique qui se met en défaut. Cela se reproduira à de nombreuses reprises durant toute la nuit nous obligeant à rester à proximité immédiate des commandes pour pouvoir reprendre la main dès que possible et éviter de se laisser emporter par la houle. Cela ajouté aux conditions difficiles depuis le début met à mal le moral de l’équipage. Encore une nuit avec très peu de sommeil et l’angoisse de finir la transat sans pilote auto.

JOUR 4 - jeudi 29 décembre 2022

Le jour se lève, on coupe alors le pilote qui continue à faire des siennes pour barrer toujours dans une houle bien formée. Le vent a faibli un peu mais reste tout de même au dessus de 20 noeuds. Un ciel chargé et même quelques gouttes de pluie parfois alterne avec des périodes ensoleillées. Dans ces conditions, c’est la survie, on lutte en permanence contre les éléments. Tout est compliqué, dormir, manger, s’habiller, aller aux toilettes. Heureusement, nous avions préparé quiche et cake avant le départ ce qui nous permet tout de même de faire des repas corrects. Le vent baisse un peu dans l’après-midi mais nous préférons garder les 3 ris dans la GV à une allure de vent arrière avec cette houle. Les prévisions annoncent moins de houle pour demain, on espère que ce sera le cas… On finit cette journée pas assez ensoleillée au moteur, cela devient une habitude, pour recharger les batteries. On a parcouru 400 milles nautiques depuis le départ et n’avons croisé aucun bateau. La bonne nouvelle c’est que le pilote semble refonctionner normalement. On se dit que c’est peut-être les conditions de fort vent combiné à la grosse houle de la nuit qui provoquaient le dysfonctionnement. D’autant que l’on avait tenté de le mettre en mode “mer forte” qui sollicite peut-être trop l’alimentation.

JOUR 5 - vendredi 30 décembre 2022

Au matin, la houle diminue enfin et nous pouvons mettre les voiles en ciseaux en tangonant le génois. Nous sommes quasi en route directe et le pilote tient bon. Nous voilà rassurées et le moral de l’équipage remonte. On arrive même à bouquiner. En allant à l’avant du bateau, on se rend compte que plein de poissons volants sont venus finir leur course sur le pont. A midi, on prend notre premier apéro cacahuètes, ouf ! On commence à revivre d’autant que la houle diminue durant cet après-midi bien ensoleillé. La température a augmenté mais il nous faut tout de même charger un peu les batteries au moteur au coucher du soleil. Une nuit toute étoilée commence alors, éclairée au début par une demi lune dans notre avant qui joue à cache cache avec les voiles en ciseaux. On peut enfin se reposer à peu près correctement malgré la houle résiduelle qui provoque tout de même encore un roulis permanent.

JOUR 6 - samedi 31 décembre 2022

La dernière journée de l’année 2022 commence pour nous au milieu de l’océan, à 7h UTC, nous avons parcouru 600 milles nautiques, il nous en reste plus de 1500. Ayant parcouru 1/4 du parcours, nous reculons nos montres d’une heure puisqu’il est 3h de moins aux Antilles par rapport au Cap-Vert. La météo est stable et la journée va se passer avec voiles en ciseaux faisant cap plein Ouest dans 12 à 16 noeuds de vent. On barre un peu par soucis d’économie d’énergie. On déplace aussi les panneaux solaires pour plus d’efficacité. Il faut aussi penser au repas de nouvel an et on fait du pain pour accompagner le foie gras. Le midi, nous nous délectons d’un veau avec jardinière de légumes que nous sortons de notre coffre au trésor gardé précieusement depuis le départ et qui contient des bocaux maison fait par maman. Elle n’imagine pas à quel point ça nous fait plaisir à ce moment du voyage.

Durant la désormais traditionnelle séance moteur pour recharger les batteries, nous préparons l’apéro dînatoire du réveillon. Au menu : jambon de Bayonne, fromage des Açores, olives aux amandes, radis noir et toasts sur pain frais à la sobressade. Tout ça sous un clair de demi lune. Le repas de réveillon est assez vite expédié pour laisser place aux quarts de nuit. Le vent tourne plus Est nous obligeant à remonter un peu plus Nord. Nous faisons cap au 298, toujours avec ce roulis incessant. On se souhaite bonne année peu après minuit à l’occasion de la relève d’un quart. Au moins on se souviendra de ce nouvel an 2023 ! Un énorme poisson volant vient s’échouer dans le cockpit pendant la nuit dans un bruit de bouteille en plastique qu’on frappe par terre. Pas le temps de le sauver, il finit coincé derrière le radeau de sauvetage.

JOUR 7 - dimanche 1er janvier 2023

Ce premier jour de l’an commence en mode essorage machine à laver. La houle n’est pourtant plus si forte mais en vent arrière, on se fait méchamment rouler. C’est fatiguant… Après une averse matinale, le soleil prend le  dessus. Le repas du nouvel an se prépare, foie gras agrémenté de rondelles de kiwis et d’abricots secs avec confiture de goyave et pain maison. En dessert, maracuja bien-sûr ! C’est grand soleil et il fait chaud. Le vent a tourné Est et ne dépasse pas 17 noeuds. Nous décidons d’empanner et d’envoyer notre spi sur emmagasineur. Après quelques cafouillages, l’une des écoutes se retrouve passée sous la coque mais tout rentre finalement dans l’ordre et nous tirons un long bord de recalage vers le Sud à 7 noeuds de moyenne. A la barre, on se prend au jeu de surfer dans la houle. Le déplacement des panneaux solaires latéraux sur le bimini s’avère assez efficace mais le déficit de charge des premiers jours n’est toujours pas rattrapé. On espère une nouvelle journée ensoleillée demain. En début de soirée, nous rangeons le spi pour empanner et reprendre la configuration de voiles en ciseaux pour la nuit avec un cap moyen au 286. La lune éclaire les premières heures de la nuit mais le ciel nuageux nous prive du ciel étoilé et nous gratifie d’une belle averse. Sont-ce les prémisses des premiers grains dont il va falloir se méfier à mesure que l’on approche des Antilles ?

JOUR 8 - lundi 2 janvier 2023

Le ciel est couvert, un petit grain passe dans la matinée qui nous fait enrouler le génois. On empanne pour faire un peu de Sud pendant deux heures. La journée se passe en grande partie à la barre par soucis d’économie d’énergie. Le vent passe plein Est, plein vent arrière, ce qui ne nous arrange pas. Dans la soirée, il repasse NE et une nuit nuageuse commence.

JOUR 9 - mardi 3 janvier 2023

Au petit matin, nous venons de passer les 1000 milles nautiques parcourus depuis Mindelo. Nous ne sommes pas encore à la moitié. Grenade est encore loin. En 9 jours, nous n’avons croisé aucun bateau. Seuls les poissons volants semblent inféodés à ce milieu. De temps en temps on voit un petit oiseaux noir et blanc rasant l’eau a vive allure et très rarement des pailles en queue, oiseaux blanc avec une très longue queue, de la famille des sternes. Présentes de façon très éparses au Cap-Vert, nous voyons maintenant de grandes bandes de sargasses flottant à la surface de l’eau. La bonne nouvelle de la fin de journée, grâce à l’assiduité d’Isa à barrer une grande partie de la journée, nos batteries sont rechargées à 100% pour la première fois depuis Mindelo. La nuit commence éclairée par une lune montante dans un ciel couvert sans trop d’étoiles. La température est de plus en plus clémente, cette nuit il fait plus de 25°C.

JOUR 10 - mercredi 4 janvier 2023

La nuit se termine comme elle a commencé, à bonne vitesse en route directe dans un vent régulier de Nord-Est toujours bercée par ce roulis continu. Le midi, nous nous régalons de l’excellent couscous mis en bocal cuisiné par notre ami Jean avant notre départ de Boulogne. Merci Jean pour ce moment de plaisir au milieu de l’océan ! En début d’après-midi, profitant du soleil et d’une houle gérable, c’est l’heure de la douche dans le cockpit, la première depuis le départ. Les lingettes c’est bien mais une douche…  À 15h, nous sommes à mi-parcours et le vent commence à monter. Nous prenons le 3ème ris dans la grand-voile. Un peu de moteur en fin de journée pour s’assurer une charge suffisante pour la nuit. Nous filons toujours poussés par la houle et réduisons le génois quand le vent monte encore d’un cran. Les quarts s’enchaînent et nous en avons marre de ce roulis mais pas d’alternative, aucun refuge où faire une pause à l’horizon.

JOUR 11 - jeudi 5 janvier 2023

Le vent est stable en direction et nous gardons un cap direct et un vitesse moyenne supérieure à 5 noeuds malgré nos 3 ris dans la grand-voile et notre morceau de génois ridicule. Ce matin, nous reculons à nouveau nos montres d’une heure. Après le lever du jour, plusieurs pailles en queue viennent longuement tournoyer autour du bateau. Nous craignons qu’ils essaient de se poser en haut du mât. On sort la corne de brume pour les effaroucher. Le risque serait qu’un volatile se pose et détériore une des installations en haut du mât (antenne VHF, anémomètre notamment). Dans la matinée, le vent baisse légèrement et l’on renvoie du génois. Une belle journée ensoleillée nous motive à cuisiner un bon wok de légumes. Il fait plus de 27° et heureusement que les alizés sont bien présents pour nous apporter un peu d’air surtout quand on est de longues heures à la barre. On aperçoit une bonite qui saute hors de l’eau pour attraper un poisson volant. On se réjouit de pas grand chose quand les distractions se font rares. En fin de journée, on apercevra deux dauphins qui sautent au loin. On fait un peu de moteur pour recharger les batteries. Nous sommes vraiment dépitées car nous pensions avoir fait une installation pour nous exempter du recours au moteur pour la production d’énergie. Mais c’était sans compter sur un ciel qui reste bien couvert une grande partie du temps durant cette transat. On se console en se disant que cela a été largement suffisant durant notre séjour d’un mois au Cap-Vert où nous étions en autonomie totale et qu’il devrait en être de même durant les mois à venir à passer aux Antilles. La nuit tombe, et la pluie nous oblige à manger nos hot dog à l’intérieur. Le vent a tourné Est et a forci légèrement pour dépasser les 20 noeuds. Nous réduisons le génois pour la nuit. La houle se renforce et il faut trouver le sommeil en mode essorage machine à laver.

JOUR 12 - vendredi 6 janvier 2023

Au lever du jour, le vent n’a pas baissé et va se renforcer un peu dans la journée. On se succède à la barre. Nous sommes sous GV seule 3 ris et nous surfons avec des pics de vitesse GPS qui dépassent les 10 noeuds (record du jour à 12,2 noeuds). Il faut dire que la houle atteint maintenant 4 à 5 mètres et le vent est à plus de 22 noeuds de moyenne. Dans l’après-midi, un oiseau d’une espèce jamais vue jusque là vient voler dans les parages. Il se peut que ce soit un Fou d’Amérique, l’équivalent de notre Fou de bassan de l’autre côté de l’Atlantique. En fin de journée, nous allons passer en quelques minutes de l’émerveillement au chao. Un groupe de dauphins nous accompagne un long moment et fait des sauts dans tous les sens. De vrais acrobates, tout ça dans le soleil couchant. Quelques minutes plus tard, alors que nous faisons un peu de moteur pour recharger les batteries, un grain nous rattrape, la pluie commence à tomber et le vent monte jusque 30 noeuds. La houle se déchaîne. Nous arrêterons le moteur et attendons que ça passe. Le grain passé, le vent reste fort, plus de 25 noeuds, il fait alors nuit et le bateau est ardant sous GV seule 3 ris, le pilote a du mal à suivre et le risque d’empannage est important. Nous décidons d’affaler la GV pour ne mettre qu’un petit morceau de génois. A la barre, je remonte au vent, la houle de travers, une grosse vague nous trempe et nous secoue mais nous tenons bon, la GV est affalée ouf ! On reprend notre cap et on envoie un tout petit morceau de génois qui suffit pour nous faire surfer dans la houle et avancer à plus de 5 noeuds. Devant ce déchaînement des éléments, le repas chaud est reporté à plus tard, ce sera pain au fromage. On respire un peu dans cette configuration, libéré du risque d’empannage mais la nuit va être longue, en mode essorage plus plus. A plusieurs reprises le pilote va décrocher à cette allure de vent arrière avec cette houle mais toujours sans conséquence. Avec notre ridicule bout de génois, nous ne craignons pas grand chose.

JOUR 13 - samedi 7 janvier 2023

Dès que le jour se lève, on se relaie à la barre pour faire des surfs dans cette houle arrière et essayer de gagner un peu en cap. Le véritable plein vent arrière n’est pas vraiment tenable avec le pilote auto. La journée se passe ainsi sous un ciel alternant nuages et éclaircies. Dans l’après-midi, on s’émerveille à observer de grosses dorades coryphènes reconnaissables à leur belle couleur bleu qui nagent le long du bateau à la chasse aux poissons volants. Nous n’avons pas encore sorti la canne à pêche durant cette transat mais vu les conditions on préfère s’abstenir. Il ne suffit pas de le pêcher le poisson, il faut ensuite s’en occuper, le vider, le découper, le cuisiner et dans cette houle, ça demande trop d’énergie que l’on préfère garder pour autre chose. Le vent tend à diminuer un peu en fin de journée en restant à plus de 20 noeuds. Après notre petite séance moteur, on décide de ne remettre qu’un petit bout de génois pour la nuit, pour éviter que le pilote ne décroche et essayer de bien se reposer.

JOUR 14 - dimanche 8 janvier 2023

Au matin, on remet un peu plus de toile, le vent étant stable à environ 20 noeuds et la houle tendant à diminuer un peu. Un problème électronique survient alors. Nos écrans du speedo (affichage de la vitesse) et des infos relatives au vent (vitesse, direction) ne donnent plus d’informations. Ce n’est pas indispensable mais très ennuyeux pour adapter au mieux notre voilure et notre cap. La panne est aléatoire et tout finit par refonctionner normalement au bout de quelques heures. Peut-être un problème de contact qu’il faudra regarder de prés à l’arrivée. En fin d’après-midi, nous nous remettons en configuration voiles en ciseaux que nous garderons pour la nuit après notre traditionnel séquence charge batteries. La nuit est d’abord noire et étoilée puis le ciel se couvre et la lune fait son apparition. La nuit va ensuite se passer avec des grains qui vont se succéder, nous obligeant à enrouler le génois. A chaque fois c’est pareil, à l’approche du grain qui se caractérise par un gros nuage qui se déplace dans le sens du vent (pas toujours facile à voir arriver quand c’est de nuit et derrière qui plus est), une petite pluie commence à tomber, puis le vent monte et la pluie devient plus forte. Cela peut durer plus ou moins longtemps et l’intensité du vent peut être plus ou moins forte mais on peut se retrouver avec la vitesse du vent qui double en très peu de temps.

JOUR 15 - lundi 9 janvier 2023

Réveil en fanfare pour celle qui dort. Il est 6h30 quand le pilote décroche et que c’est l’empannage intempestif. Encore un grain et pas des moindres. Rien de tel que de se retrouver à la barre sous un grain et une pluie diluvienne pendant plus d’une heure quand on sort juste de la couette. Spectacle d’apocalypse, les vagues se forment et nous poussent dans des surfs incroyables. Le grain passé, nous nous succéderont toute la journée à la barre pour tenir au mieux le vent arrière. On en a ras le bol, juste envie d’en finir au plus vite avec cette transat. On a donc décidé de lâcher les chevaux en mettant de la toile et tant pis s’il faut sans cesse réduire et renvoyer. On veut vraiment en finir au plus vite. On recule nos montres pour la 3ème et dernière fois, nous sommes maintenant à l’heure antillaise. La journée se passe à surfer dans la houle que nous avons plein arrière dans 20 à 22 noeuds de vent. On dépasse des records de vitesse. C’est grisant mais attention aux écarts de barre, il faut rester concentrée. La houle faiblit un peu en fin de journée et malgré une dure journée, on met un peu d’énergie dans une pizza maison qui nous fait le plus grand bien avant d’attaquer la nuit qui commence avec toujours 20 noeuds de vent. Mais ça ne s’arrête donc jamais !

JOUR 16 - mardi 10 janvier 2023

Dans la nuit, le vent monte jusque 28 noeuds, la pluie fait son apparition par intermittence. A la barre, éclairés par la lune qui nous offre un gros projecteur par l’arrière, on se croirait dans un jeu vidéo. Les yeux rivés sur les écrans pour tenir à tout pris le vent arrière, on fait de longues glissades poussés par la houle de l’océan avec notre GV seule 2 ris. Le vent redescend enfin à 20 noeuds, c’est la fin d’un quart épuisant physiquement et moralement. Dans la matinée, le vent ayant un peu tourné, nous empannons pour nous retrouver babord amure. Aujourd’hui il fait chaud, est-ce le soleil des Antilles tant espéré qui nous gratifie enfin de sa présence ? Bien décidées à tracer la route pour arriver dès que possible, en début d’après-midi, nous déroulons le génois tangoné pour nous retrouver voiles en ciseaux, au grand largue, en cap direct. Nous venons de réaliser notre meilleure moyenne de vitesse sur 24h depuis le début (5,8 noeuds). Nous restons ainsi jusque la nuit. Il nous reste alors un peu plus de 320 milles à parcourir. On devrait atteindre Grenade vendredi. On commence à faire des calculs pour spéculer sur notre heure d’arrivée. Ça vient bon ! Nous voyons à quelques milles un voilier norvégien, seulement le deuxième bateau que nous croisons depuis le début.

JOUR 17 - mercredi 11 janvier 2023

Première nuit vraiment tranquille depuis le départ. Pas de grain, une houle qui s’est rangée et a diminué, un vent constant modéré. Au matin, les nuages se dissipent pour laisser place à un grand soleil. Il fait chaud ! Nous avançons bien toute la journée, voiles en ciseaux dans un vent de Nord-Est 4 à 5. Nous dégustons une fricassée de poulet maison en bocal pour nous donner des forces (merci encore maman). Un jour sans moteur, le soleil qui a donné à plein devrait suffire pour la nuit. En fin de journée, le ciel se couvre et des dauphins nous rendent visite. Ce sont toujours des moments d’émerveillement mais juste après, à la tombée de la nuit, un grain nous tombe dessus. On enroule le génois, le vent monte, l’averse arrive et on tient bon à la barre. Ensuite ce sera une nuit relativement calme, voiles en ciseaux, la houle est enfin raisonnable et on arrive à dormir vraiment quand c’est notre tour par fraction de 2 heures.

JOUR 18 - jeudi 12 janvier 2023

Belle journée qui commence avec le soleil. Le vent diminue un peu à la mi-journée et nous envoyons le spi sur emmagasineur. Nous tirons deux grand bords avant de ranger le spi avant la nuit. On fait un peu de moteur pour nos batteries et on empanne pour faire cap direct sur Grenade que l’on devrait commencer à voir dans la nuit. Un dernier repas pâtes pour être calées jusqu’à l’arrivée. A 23h, il nous reste 35 milles à parcourir.

JOUR 19 - vendredi 13 janvier 2023

Après que la lune ait réussi à vaincre les nuages bas, la nuit se passe comme éclairée par un projecteur sur notre arrière. C’est l’heure des derniers quarts. Ces longs moments qui se répètent à lutter contre le sommeil resteront dans nos mémoires. On aura occupé ces longues heures à écouter des podcasts ou de la musique, à bouquiner ou assises dans la descente à l’abri de la capote les yeux rivés sur les écrans dans les moments difficiles à l’affût du moindre réglage à effectuer. On commence à deviner dans le lointain les lumières de la terre. Le ciel se couvre et ça recommence, vent qui monte, pluie. C’est un grain qui nous oblige à enrouler le génois. Pas très violent mais la visibilité diminue fortement pendant un long moment. Il est 2h40, il nous reste 22 milles et comme nous voulons arriver de jour, il ne faut pas qu’on aille trop vite donc on reste sous GV seule. Les lumières de Grenade se précisent à mesure que l’on avance. A la fin de la nuit, un ultime grain arrive sur nous. Une fois passé, alors que nous commençons à longer la côte Sud de Grenade, il est 6h15 et l’on décide d’affaler la GV et de ne mettre qu’un tout petit bout de génois pour ralentir le bateau et s’assurer d’arriver de jour au mouillage de Prickly Bay. On touche au but, on est au droit des hauts fond face à Prickly et l’on commence à abattre en direction de l’entrée de la baie. On en roule le génois et on avance au moteur dans Prickly Bay. Il est 7h30 quand nous mettons l’ancre dans 11 mètres de fond, ravies d’en avoir fini avec cette traversée qui aura été éprouvante. Reste plus qu’à se jeter à l’eau !

BILAN DE CETTE TRANSAT

– 18 jours et 23 heures en mer

– 2233 milles nautiques parcourus (2150 en route directe)

– 36 heures de moteur (uniquement pour les besoins de charge de batteries en dehors des départs et arrivées)

– 54 litres d’eau en bouteilles consommée et 86 litres d’eau des réservoirs utilisée

– 4 pains et 1 pizzas réalisés

– vitesse moyen de progression 4,9 noeuds (VMG de 4,7 noeuds)

– seulement 3 bateaux croisés (2 voiliers et 1 tanker)

– niveau technique, juste quelques problèmes d’électronique momentanés et une fuite de WC

– 4 rencontres avec les dauphins et des milliers de poissons volants croisés

Cartographie de nos grandes traversées

Zoomez dans la carte pour consulter la route réelle de notre transat aller issue des relevés GPS journaliers

Vous pouvez afficher la carte en pleine fenêtre et cliquer sur les points pour accéder aux détails de chaque position.

REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier nos amis Joël et Jérôme. Le premier pour ses conseils avisés depuis notre départ de Boulogne, fort de son expérience de 6 tours de l’Atlantique en solo. Toujours un message quand il faut pour nous donner une info sur la nav, le mouillage, les choses à visiter, les plats à ne pas rater… Le second, habitué aux victoires et places d’honneur des courses de Virtual Regatta, pour sa veille météo tout le long des grandes traversées et ses messages journaliers reçus par Iridium pour nous informer des conditions de vent, de houle et d’orage et nous conseiller sur le routage. Même si nous recevons les gribs de vent, c’est rassurant de savoir que quelqu’un veille à terre avec des sources d’infos auxquelles nous n’avons pas accès au large.


13 commentaires

Globevogueuses · 10/09/2023 à 11:01

Merci Jean-Marc pour votre votre commentaire. La navigation en Méditerranée peut aussi parfois être bien mouvementée 😉

Jean Marc Blosseville · 04/09/2023 à 13:45

Bravo mesdames,
Je vous avais vu à Morgat, notre port d’attache. Je viens de lire votre récit de traversée aller. Intéressant et très vivant. Ça donne envie, moi qui ai navigué en Méditerranée dans tous les sens. Les traversées ne sont jamais aussi longues.
Encore bravo.
Jean-Marc

Globevogueuses · 15/08/2023 à 12:54

Merci Pascale pour ton message. Nous venons de boucler la boucle mais nous allons essayer de continuer à mettre en ligne régulièrement des choses pour partager les plus forts moments de cette belle aventure.

Pascale Caenepeel · 14/08/2023 à 14:21

Bonjour les Filles,
Je découvre maintenant votre périple et je me régale de vos photos, vidéos et récit .
Je tenais à vous faire part de mon admiration.
Bravo et bises .

Marika · 13/05/2023 à 22:07

Respect les filles ! Très émouvant de vous lire !!! U r the best !

Globevogueuses · 20/02/2023 à 15:33

Merci Régis. Au plaisir de se recroiser.

REGIS DUBAR · 29/01/2023 à 19:35

Chapeau les filles, quelle belle traversée. Profitez….
Régis, feeling KARE

Globevogueuses · 22/01/2023 à 23:46

Merci Marie. On pense bien à Ogier qui s’est lancé en solitaire. Courage à lui !

Globevogueuses · 22/01/2023 à 23:46

Et bien nous aussi on va pouvoir dormir. Lol

Globevogueuses · 22/01/2023 à 23:45

Merci François. Les lignes sont prêtes ! On espère qu’on a les bons leurs et qu’ils résisteront aux poissons des Caraïbes.

Francois.grosjean@hotmail.fr · 21/01/2023 à 04:17

Bravo les filles, après cette épreuve, vous allez bien profiter des Antilles.Et maintenant , il faut sortir les lignes de traîne !!

Nicole · 20/01/2023 à 20:09

Eh bien les filles, vous les avez bien gagnés ces quelques mois au soleil et nous allons pouvoir dormir sur nos deux oreilles. On vous embrasse

Marie Le Silbo · 20/01/2023 à 19:41

Bravo !! Quel récit ! Décidément cette transatlantique ne vous a pas laissé tranquilles, reposez-vous bien ! Et profitez désormais 😋

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